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jeudi 21 janvier 2016

TESTAMENT DE LOUIS XVI

21 janvier 1793 la mort de Louis XVI , en la fête de Sainte Agnès



Au nom de la très sainte Trinité, du Père, du Fils, et du Saint-Esprit.
Aujourd'hui vingt-cinquième jour de décembre mil sept cent quatre-vingt-douze, moi Louis XVI du nom, roi de France, étant depuis quatre mois renfermé avec ma famille dans la tour du Temple à Paris, par ceux qui étaient mes sujets, et privé de toute communication quelconque, même depuis le onze courant, avec ma famille ; de plus, impliqué dans un procès dont il est impossible de prévoir l'issue, à cause des passions des hommes, et dont on ne trouve aucun prétexte ni moyens dans aucune loi existante; n'ayant que Dieu pour témoin de mes pensées, et auquel je puisse m'adresser, je déclare ici, en sa présence, mes dernières volontés et mes sentiments.
Je laisse mon âme à Dieu, mon créateur; je le prie de la recevoir dans sa miséricorde, de ne pas la juger d'après ses mérites, mais par ceux de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui s'est offert en sacrifice à Dieu son Père pour nous autres hommes, quelque indignes que nous en fussions et moi le premier.
Je meurs dans l'union de notre sainte mère l'Eglise catholique, apostolique et romaine, qui tient ses pouvoirs, par une succession non interrompue, de saint Pierre, auquel Jésus-Christ les avait confiés. 

Je crois fermement et je confesse tout ce qui est contenu dans le symbole et les commandements de Dieu et de l'Eglise, les sacrements et les mystères, tels que l'Eglise catholique les enseigne et les a toujours enseignés. Je n'ai jamais prétendu me rendre juge dans les différentes manières d'expliquer les dogmes qui déchirent l'Eglise de Jésus-Christ ; mais je m'en suis rapporté et rapporterai toujours, si Dieu m'accorde vie, aux décisions que les supérieurs ecclésiastiques, unis à la sainte Eglise catholique, donnent et donneront, conformément à la discipline de l'Eglise, suivie depuis Jésus-Christ.
Je plains de tout mon coeur nos frères qui peuvent être dans l'erreur ; mais je ne prétends pas les juger et ne les aime pas moins tous en Jésus-Christ, suivant ce que la charité chrétienne nous enseigne. Je prie Dieu de me pardonner tous mes péchés ; j'ai cherché à les connaître scrupuleusement, à les détester, et à m'humilier en sa présence. Ne pouvant me servir du ministère d'un prêtre catholique, je prie Dieu de recevoir la confession que je lui en ai faite, et surtout le repentir profond que j'ai d'avoir mis mon nom — quoique cela fût contre ma volonté — à des actes qui peuvent être contraires à la discipline et à la croyance de l'Eglise catholique, à laquelle je suis toujours resté sincèrement uni de coeur. Je prie Dieu de recevoir la ferme résolution où je suis, s'il m'accorde vie, de me servir aussitôt que je le pourrai du ministère d'un prêtre catholique, pour m'accuser de tous mes péchés et recevoir le sacrement de pénitence.
Je prie tous ceux que je pourrais avoir offensés par inadvertance — car je ne me rappelle pas d'avoir fait sciemment aucune offense à personne — ou ceux à qui j'aurais pu avoir donné de mauvais exemples ou des scandales, de me pardonner le mal qu'ils croient que je peux leur avoir fait ; je prie tous ceux qui ont de la charité d'unir leurs prières aux miennes, pour obtenir de Dieu le pardon de mes péchés.
Je pardonne de tout mon coeur à ceux qui se sont faits mes ennemis, sans que je leur en aie donné aucun sujet, et je prie Dieu de leur pardonner, de même qu'à ceux qui, par un faux zèle, ou par un zèle mal entendu, m'ont fait beaucoup de mal.
Je recommande à Dieu ma femme et mes enfants, ma soeur, mes tantes, mes frères et tous ceux qui me sont attachés par le lien du sang ou par quelque autre manière que ce puisse être ; je prie Dieu, particulièrement, de jeter des yeux de miséricorde sur ma femme, mes enfants et ma soeur, qui souffrent depuis longtemps avec moi ; de les soutenir par sa grâce, s'ils viennent à me perdre, et tant qu'ils resteront dans ce monde périssable.
Je recommande mes enfants à ma femme ; je n'ai jamais douté de sa tendresse maternelle pour eux ; je lui recommande surtout d'en faire de bons chrétiens et d'honnêtes hommes, de ne leur faire regarder les grandeurs de ce monde-ci — s'ils sont condamnés à les éprouver — que comme des biens dangereux et périssables, et de tourner leurs regards vers la seule gloire solide et durable de l'éternité. Je prie ma soeur de vouloir bien continuer sa tendresse à mes enfants, et de leur tenir lieu de mère, s'ils avaient le malheur de perdre la leur.
Je prie ma femme de me pardonner tous les maux qu'elle souffre pour moi et les chagrins que je pourrais lui avoir donnés dans le cours de notre union ; comme elle peut être sûre que je ne garde rien contre elle si elle croyait avoir quelque chose à se reprocher.
Je recommande bien vivement à mes enfants, après ce qu'ils doivent à Dieu, qui doit marcher avant tout, de rester toujours unis entre eux, soumis et obéissants à leur mère, et reconnaissants de tous les soins et les peines qu'elle se donne pour eux, et en mémoire de moi. Je les prie de regarder ma soeur comme une seconde mère.
Je recommande à mon fils, s'il avait le malheur de devenir roi, de songer qu'il se doit tout entier au bonheur de ses concitoyens ; qu'il doit oublier toute haine et tout ressentiment et notamment ce qui a rapport aux malheurs et aux chagrins que j'éprouve ; qu'il ne peut faire le bonheur des peuples qu'en régnant suivant les lois ; mais en même temps qu'un roi ne peut les faire respecter et faire le bien qui est dans son coeur, qu'autant qu'il a l'autorité nécessaire ; et qu'autrement, étant lié dans ses opérations et n'inspirant point de respect, il est plus nuisible qu'utile.
Je recommande à mon fils d'avoir soin de toutes les personnes qui m'étaient attachées, autant que les circonstances où il se trouvera lui en donneront les facultés ; de songer que c'est une dette sacrée que j'ai contractée envers les enfants ou les parents de ceux qui ont péri pour moi, et ensuite de ceux qui sont malheureux pour moi.
Je sais qu'il y a plusieurs personnes, de celles qui m'étaient attachées, qui ne se sont pas conduites envers moi comme elles le devaient, et qui ont même montré de l'ingratitude ; mais je leur pardonne — souvent, dans les moments de trouble et d'effervescence, on n'est pas le maître de soi — et je prie mon fils, s'il en trouve l'occasion, de ne songer qu'à leurs malheurs.
Je voudrais pouvoir témoigner ici ma reconnaissance à ceux qui m'ont montré un attachement véritable et désintéressé ; d'un côté, si j'ai été sensiblement touché de l'ingratitude et de la déloyauté de gens à qui je n'avais jamais témoigné que des bontés, à eux ou à leurs parents ou amis ; de l'autre, j'ai eu de la consolation à voir l'attachement et l'intérêt gratuit que beaucoup de personnes m'ont montré ; je les prie d'en recevoir tous mes remerciements. Dans la situation où sont encore les choses, je craindrais de les compromettre, si je parlais plus explicitement; mais je recommande spécialement à mon fils de chercher les occasions de pouvoir les reconnaître.
Je croirais calomnier cependant les sentiments de la nation, si je ne recommandais ouvertement à mon fils, MM. de Chamilly et Huë, que leur véritable attachement pour moi avait portés à s'enfermer avec moi dans ce triste séjour, et qui ont pensé en être les malheureuses victimes. Je lui recommande aussi Cléry, des soins duquel j'ai eu tout lieu de me louer depuis qu'il est avec moi : comme c'est lui qui est resté avec moi jusqu'à la fin, je prie Messieurs de la Commune de lui remettre mes hardes, mes livres, ma montre, ma bourse et les autres petits effets qui ont été déposés au conseil de la Commune.
Je pardonne encore très volontiers à ceux qui me gardaient, les mauvais traitements et les gênes dont ils ont cru devoir user envers moi. J'ai trouvé quelques âmes sensibles et compatissantes ; que celles-là jouissent, dans leur coeur, de la tranquillité que doit leur donner leur façon de penser. Je prie MM. de Malesherbes, Tronchet et Desèze, de recevoir ici tous mes remerciements, et l'expression de ma sensibilité, pour tous les soins et les peines qu'ils se sont donnés pour moi.
Je finis,en déclarant devant Dieu, et prêt à paraître devant lui, que je ne me reproche aucun des crimes qui sont avancés contre moi.
Fait double à la tour du Temple, le 25 décembre 1792.

Louis. 

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