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lundi 13 juillet 2015

Message du Père-Abbé Joseph Roduit pour le 1er août 2015

Les racines chrétiennes de la vie sociale, économique et politique en Suisse


A l’occasion de la Fête nationale suisse du 1er août, il a paru bon aux évêques suisses d’adresser un message aux fidèles en mentionnant particulièrement les racines chrétiennes de la Suisse. La célébration des 1500 ans de l’Abbaye de Saint-Maurice, dans son existence ininterrompue, en donne, entre autres, l’opportunité. C’est l’histoire d’une longue fidélité.

Les racines chrétiennes de la Suisse

Arrivé du Moyen-Orient, le christianisme a profité des voies romaines pour se répandre dans nos régions. Les persécutions n’ont pas anéanti la prédication évangélique. L’exemple des Martyrs, contrairement à toute attente, a donné du courage aux convertis. A ce point de vue, le témoignage de la Légion thébaine, avec son chef Maurice, ne manqua pas de frapper les esprits.

Chez nous comme en bien des pays de l’époque « le sang des martyrs a été la semence des chrétiens » (Tertullien). La vénération de plusieurs saintes et saints est liée au culte des martyrs égyptiens de la fin du IIIème siècle. Tels Victor, Félix, Regula, Verena… Même si, souvent, la légende a pris le pas sur l’histoire, il en est résulté une implantation de la foi chrétienne dans notre pays. A la chute de l’Empire romain, le christianisme n’est pas tombé avec lui. Au contraire, l’Eglise convertira les Barbares !

La recherche des consensus et de la paix

Au cours des siècles, divers invasions et déplacements de populations ont donné les limites géographiques et linguistiques actuelles de notre Helvétie.

La Suisse d’aujourd’hui, en tant que pays indépendant, est née au temps des cathédrales et des premières universités. La recherche de l’indépendance et de la liberté l’a aidée à échapper à des pouvoirs étrangers, en cherchant l’unité dans l’acceptation des différences à l’intérieur de notre pays.

Par adhésions successives, la Suisse s’est construite par des alliances, des pactes de paix, des serments de fidélité entre cantons, plus que par des guerres. Les tentations de diviser les Suisses, soit géographiquement, soit politiquement, ont été vaincues par le respect des cultures, des régions et des cantons. Un bel exemple nous est donné au XVème siècle par saint Nicolas de Flüe (1417-1487). Il nous a appris à vaincre les animosités par le dialogue et la paix. « La paix ne se trouve qu’en Dieu »écrit-il aux Bernois, « car Dieu est la paix et la paix ne peut être détruite, mais la discorde est détruite. Cherchons donc à garder la paix ».

Le rôle de la foi chrétienne

La Suisse ne s’est pas faite en un jour : les premiers cantons se sont unis en 1291, les derniers en 1815, il y a seulement deux cents ans, sans oublier le dernier accueil du canton du Jura en 1979 !

La religion est un vecteur important dans l’histoire, dans la recherche du bien comme, hélas parfois, dans le mal suscité. Même si la Suisse a connu de malheureuses guerres de religion, il faut reconnaître le rôle essentiel des Eglises. Elles ont persévéré dans l’annonce de l’Evangile. Aujourd’hui, les guerres de religions sont heureusement dépassées, – sans être oubliées, – mais il y a une volonté œcuménique certaine, surtout, pour nous catholiques depuis le Concile Vatican II et, tout récemment, encore plus, avec le pape François qui nous y encourage.

La vie sociale et éducative

L’habitude de la recherche continuelle du consensus a forgé un esprit constructif de collaboration dans l’acceptation de la différence et la recherche de la complémentarité. La vie associative des communautés locales a forgé un esprit de solidarité indéniable.

Le respect des minorités, tout comme l’attention aux plus pauvres, a forgé l’âme suisse. Notre Constitution fédérale ne dit-elle pas que « La force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres » ?

Un pays ouvert au monde

Evitant les pièges des nationalismes comme ceux du communisme, la Suisse a su faire croître l’arbre du bien-être. Les racines chrétiennes, le soin de l’arbre de la solidarité, la taille des branches gourmandes ont permis à la construction sociale de porter ses fruits.

Ce que la Suisse a fait pour elle-même, elle peut le faire en aidant d’autres pays, voire d’autres régions du monde, à vivre un sain développement dans la recherche de la paix en dénonçant les affres de la guerre. N’est-elle pas la Suisse d’Henri Dunant (1828-1910) et par conséquent de la Croix-Rouge !

La Suisse a une mission importante dans notre monde. Sa neutralité politique doit être accompagnée d’un esprit de solidarité internationale en évitant le piège du profit à tout prix.

Comment poursuivre cet idéal ?

Si le passé est garant de l’avenir, la Suisse peut encore avoir de beaux jours devant elle !

Malgré les changements apportés autrefois siècle après siècle, aujourd’hui, jour après jour, il y a des valeurs fondamentales à cultiver et à sauvegarder.

On parle beaucoup aujourd’hui de valeurs qui se perdent, or, quelles sont-elles ?

Elles ne sauraient se résumer en termes de bien-être, de croissance ou de profit !

La Suisse se doit de rester vigilante.

Elle se doit de combattre l’égoïsme par une solidarité fondamentale. Celle-ci ne saurait se séparer de la justice. L’exploitation des pauvres par l’extraction des matières premières dans les pays pauvres ne peut plus se justifier. Une part importante du commerce de l’alimentation des pays exploités à outrance se gère dans des bureaux suisses ! On ne saurait s’enrichir sur des produits de base des pays dits pauvres !

La Suisse est un pays exemplaire d’accueil de l’étranger : un habitant sur quatre est étranger. Cela ne la dispense pas de poursuivre les efforts pour rester une terre d’accueil. Beaucoup de migrants participent actuellement au savoir-faire industriel et économique.

La paix ne peut exister que par un long travail de justice, de partage et de respect. Bien plus que de tolérance, l’autre, quel qu’il soit, a besoin de respect. Ceci vaut tant au point de vue culturel que religieux. C’est notre respect exemplaire de la diversité qui peut montrer l’exemple du respect à ceux qui veulent imposer à tous une seule manière de penser, voire une seule religion.

La différence est une richesse qui enrichit chacun de valeurs autres. Le respect de la nature doit aussi nous préoccuper : il comprend aussi le respect de la vie humaine, de sa conception à sa mort naturelle. Cela signifie aussi le respect de toute personne.

N’y a-t-il pas là une réponse aux questions de l’évangile mettant en scène le Jugement dernier : «J’avais faim… J’avais soif… J’étais étranger… nu… malade… prisonnier… M’avez-vous nourri, accueilli, habillé, visité ? » (cf. Mt 25, 31-46).

Ne pas rougir de notre foi catholique

Nous n’avons pas à rougir de l’Eglise catholique et romaine, tout en reconnaissant nos torts, nos erreurs et nos péchés. Régulièrement, la Conférence des évêques suisses n’a pas manqué de rappeler à ses fidèles les enseignements pontificaux et les principes de la doctrine sociale de l’Eglise. S’appuyant sur le travail pratique de Caritas, Missio, l’Action de Carême et bien d’autres mouvements de solidarité, l’Eglise catholique en Suisse poursuit son œuvre d’évangélisation de manière dynamique. La mission d’évangélisation de chaque chrétien demeure.

La Conférence des évêques recommande donc la participation à ces mouvements qui gardent au cœur des Suisses leur mission d’espérance, d’amour et de partage. Elle remercie et encourage les fidèles à poursuivre une si belle histoire de l’évangélisation chez nous et dans le monde.

Gratitude et encouragements des évêques

Les évêques encouragent et remercient aussi tous ceux qui, fidèlement, participent à la vie de leur communauté paroissiale où l’entraide dans l’expression de la foi se manifeste dès la catéchèse jusqu’aux sacrements. La participation des catholiques à la vie familiale et sociale contribue aussi au bien de toute la société suisse. La vie de l’Eglise est essentiellement communautaire : on ne peut pas être chrétien pour soi-même. Notre foi fait de chacun de nous des frères et des sœurs pour les autres.

D’autre part, la participation aux célébrations religieuses dominicales et autres ainsi qu’aux rencontres paroissiales ou régionales manifeste aussi un encouragement pour ceux qui hésitent à s’avancer sur le chemin de la foi catholique. La nouvelle génération des chrétiens a besoin du témoignage de bonheur de vivre et de joie de croire de leurs aînés.

A l’occasion de la Fête nationale suisse, les évêques, les prêtres, les religieux et religieuses de notre pays sont heureux de pouvoir exprimer par ce message leur gratitude à tous les catholiques suisses pour leur fidélité et l’attention à bâtir sans cesse une Suisse généreuse, accueillante et solidaire.



St-Maurice, juillet 2015

Père-Abbé Joseph Roduit, par mandat de la Conférence des évêques suisses

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